Les locotracteurs de l'Etat

Mise à jour 5 mai 2024 µ

 

A partir de 1913, le réseau de l'Etat commence à tester la solution des locotracteurs. Ces engins autonomes, à moteur à essence puis à moteur diesel, sont très souples d'utilisation puisqu'ils ne demandent pas un agent pour garder en chauffe une machine à vapeur en dehors des périodes de service.

Après quelques essais avec la société Schneider, le réseau de l'Etat fera appel à plusieurs constructeurs, dont le plus important sera Baudet Donon Roussel (BDR), mais aussi Berliet, Corpet Louvet, Deutz, Delaunay Belleville, Jeumont, Renault, Vermot.


Les essais du locotracteurs Hautier - Schneider

Le premier locotracteur apparait sur les voies de l'Etat en 1913, sous la forme d'un engin d'essai réalisé par la société "La traction moderne", de Noyon. L'engin bénéficie d'une transmission "aerothermique", imaginée par Mr Hautier, directeur de cette société, et installée sur un chassis Schneider. Le moteur, de type Brillié de 40cv, fonctionnait à la naphtaline réchauffée.

Essais du locotracteur Hautier - Schneider, suivi d'une voiture dynamométrique . A: réservoir de naphtaline, B: moteur, C; conduite, D: faux essieux (source CNUM)

Les essais se déroulent au Havre les 17 et 18 avril 1913.

Pendant le conflit, l'engin sera renvoyé aux usines du Creusot, puis utilisé par l'armée. Il sera ensuite renvendu à la société "La traction Nouvelle", qui l'aménage notamment extérieurement.

Une nouvelle campagne d'essais aura lieu sur le réseau en 1922, mais le réseau de l'Etat ne donnera pas de suite avec cette société (cf note 1).

Néanmoins les essais réalisés avec cet engin permettront au réseau de l'Etat de tester l'intérêt de la solution technique. A l'époque de nombreuses gares non équipées de locomotives de manoeuvre formaient les rames à l'aide de chevaux.


Locomoteur Vermot

Vers 1923, un locomoteur Vermot sera essayé en gare de Bernay pour des essais de manoeuvre. Ce locomoteur consistait en fait en une sorte de lorry motorisé, permettant de déplacer des wagons à l'aide d'un crochet d'attelage ou d'un cabestan latéral. L'engin, pesant 4 tonnes, était équipé d'un moteur Rochet Schneider à 4 cylindre de 35 cv. Le dispositif d'accrochage des wagons pouvait s'orienter pour permettre la circulation dans les deux sens.

Locomoteur Vermot en cours de manoeuvre (Gallica-BNF)

Ce dispositif n'était pas à proprement parlé un locotracteur, mais plus un engin destiné à suppléer à la manoeuvre des chevaux en gare.

 


Locotracteurs Baudet-Donon-Roussel (BDR) à essence.

Vers 1923, le réseau de l'Etat décida de procéder à de nouveaux essais en vue de trouver une solution pour la desserte du batiment des messageries de la rue de Petrograd, situé à proximité du pont de l'Europe. Réalisées auparavant par des machines à vapeur type 131T , le stationnement de ces machines sous le batiment des messageries posait problème de nettoyage mais aussi de corrosion des charpentes métalliques.

Dans un premier temps, le réseau de l'Etat loue un locotracteur Crochat de l'ALGP au ministère de la guerre. Mais cet engin se révèle vite décevant, en raison d'un manque de souplesse et une très forte consommation. Les essais sont stoppés, et l'engin rendu à son propriétaire.

Dans le mème temps,un locotracteur de 40 cv est acheté par le réseau de l'Etat à la société Baudet Donon Roussel (BDR) située à Argenteuil. Il s'agit d'un engin de 21,1 tonnes fonctionnant à l'essence Il est testé à Pont Audemer à la demande de la chambre de commerce locale. Les essais de ce locotracteur immatriculé ZZ41 puis ZZ0001 sont très satisfaisant.

Aussi l'Etat décide de reprendre les essais en gare St Lazare, et commande cette fois un premier locotracteur de 100cv à BDR. L'essai s'avère très positif, et l'Etat passe aussitôt commande de 5 véhicules complémentaires.

Ces nouveaux locotracteurs, BDR de 100 cv - probablement les ZZ 0101 à 106 - dont 4 étaient en service courant et 2 en réserve ou en grande revision, étaient munis d'un moteur à essence à 8 cylindre en V. Equipés du frein à main, du frein direct et du frein automatique à air comprimé, du démarrage à air comprimé, ils seront utilisés en permanence aux manoeuvres de la gare St Lazare et au batiment de messagerie. Un petit batiment avait été construit pour abriter deux locotracteurs dans l'enceinte des Batignolles. Il comprenait un batiment de 20 * 6 m. D'un coté on trouvait une voie sur fosse de 15m, de l'autre un petit atelier comprenant des machines outils courantes (perceuse, tour, fraiseuse) permettant le dépannage courant de ce nouveau matériel fonctionnant en 3 équipes de 8 heures. A proximité de l'atelier se trouvait 3 réservoirs d'essence de 6000litres, un abri pour la distribution d'essence assuré par une pompe electrique.

Locotracteur Baudet Donon Roussel de 100cv devant l'atelier des Batignolles (source Gallica/BNF)

Les essais satisfaisants amènent le réseau de l'Etat à passer une commande de 8 appareils complémentaires.

4 d'entre eux seront livrés en février 1926 (ZZ107 à 110), 4 suivants en février 1928 (ZZ 111 à 114).

Un locotracteur de 50cv est lui aussi commandé à la mème période (ZZ51).

L'exploitation de ce nouveau type de matériel montrait une réduction des charges d'exploitation de l'ordre de 15 à 20% inférieur à celui des locomotives de manoeuvre.

 


Locotracteur Deutz

1928 voit l'arrivée de Raoul Dautry à la tète du réseau, et la recherche de réduction de coût supplémentaire va aller vers le remplacement de l'essence vers des moteurs à "huile lourde" (diesel) plus économique.

L'industrie française n'étant pas encore capable de livrer ce type de moteur à l'époque, le réseau se tournera alors vers l'Allemagne pour ses deux premiers locotracteurs diesel.

La firme Deutz livre en 1928 un premier locotracteur à l'Etat, qui sera numéroté ZZ201. Il est motorisé par un moteur Deutz de 110 cv et pèse 22 tonnes

En 1930, Deutz livre 5 exemplaires supplémentaires de 23,5 tonnes, numérotés ZZ202 à 206.

Les engins seront renumérotés ZZ 1501 et 1511à 1515 en 1934, puis deviennent DE 10001 à 10006 à la SNCF.


Locotracteurs Baudet Donon Roussel (BDR) à "huile lourde"

Après les essais satisfaisant des engins Deutz, le réseau de l'Etat commande 15 locotracteurs BDR de 30 tonnes équipés de moteurs diesel.

Les premiers engins ZZ 207 à ZZ 216 livrés en 1931 seront équipés de moteurs de chez Mercedes Benz de 100cv.

Les engins ZZ 217 à 221 livrés en 1932 seront équipés de moteurs Renault de 100cv.

Locotracteur BRD ZZ218 Diesel au dépot des Batignolles (photo Kollar/DR)

Les véhicules les plus puissants seront dédiés à la manoeuvre des rames entre Paris Saint Lazare et Clichy.

Ces véhicules auront une carrière assez longue, d'autant qu'ils seront reconditionnés en 1960 & 1961. Ils sont transformés par les ateliers de Nevers, le moteur est le Willème 6 cylindres en ligne mais porté à 150 ch. L'ancienne transmission mécanique est remplacée par une nouvelle transmission hydromécanique asynchro conçue pour des puissances de 200 et 250 ch construite par les ateliers CFD de Montmirail.

Ils deviennent les locotracteurs Y 6021 à 6041 de la SNCF.

 


Devant les bons résultats, il est décidé de tester la solution sur les "trains de section", pour la remorque de train de 250 tonnes en rampe de 8mm/m à vitesse réduite de 20km/h et de procéder au remplacement des 17 "tracteurs de piste" que possédait l'Etat.

L'Etat lance alors un appel d'offre à laquelle répondent plusieurs constructeurs: Brissonneau et Lotz, Moyse, Jeumont, BDR, Delaunay Belleville.

Certains d'entre eux seront retenus pour la fournitures des engins suivants:


Locotracteur Baudet Donon Roussel (BDR) à "gaz pauvre"

Cet engin développé en 1929 répondait à un souhait du gouvernement de developper du matériel pouvant utiliser un carburant national. De nombreux dispositifs à gazogène sont utilisés à partir de cette date sur les autorails, camions, voitures, et trouveront leur utilité lors de la seconde guerre mondiale;

Le locotracteur à gaz pauvre était un prototype développé par BDR sur la base d'un moteur De Dion de 60 chevaux et gazogène Malbay.

Il sera testé en 1935 par le réseau de l'Etat comme engin de manoeuvre sur Nanterre, et sera finalement acheté par l'Etat.

Immatriculé LZZ BD 4152, devenu Y BD 10052 , il a manoeuvré des wagons de traverses à Surdon jusqu'en 1966.(cf note 2)


Locotracteurs Jeumont

Les Forges et Ateliers de Construction Electriques de Jeumont ont livré en 1934 deux locotracteurs à l'Etat, numéroté ZZ5201 & 5202.

Ils étaient initialement motorisés par des moteurs ANF de 220cv qui seront remplacés par des moteurs Willème de 180cv vers 1948/49.

Après guerre et constitution de la SNCF, ces deux exemplaires 3 LZZ-J 22001 & 2 seront mutés au nord et seront regroupés avec l'exemplaire du même constructeur livré à l'Est 1 LZZ-J 13001 (ex Est T2008).

Les engins seront alors renumérotés 2 Y 22001 à 22003


Locotracteurs Berliet

Trois véhicules seront livrés en 1934 par cette firme. Equipés d'un moteur Berliet de 55cv, ils seront immatriculés ZZ 3301 à 3303

Ils seront immatriculés BE 05051 à 053 en 1938.


Locotracteurs Renault

Renault livre 4 premiers locotracteurs avec moteur Renault de 130cv en 1934. Ils sont numérotés ZZ2201 à 2204.

Une livraison complémentaire de 2 exemplaires supplémentaires sera effectuée l'année suivante sous les numéros ZZ2205 à 2206 (cf note 3)

Ces engins deviennent R 13001 à 13006 à la SNCF.


Locotracteurs Delaunay Belleville

La firme Delaunay Belleville livre à l'Etat en 1937 un premier locotracteur à moteur de 90cv, à démarrage par batterie, qui sera aussitot suivi d'un deuxième lot de 4 exemplaires, dont les moteurs d'origine seront toutefois remplacés plus tard par des moteurs de 150cv

La série, immatriculée ZZ 4701 à 4705, sera réimmatriculée DB 09001 (ex 4701) et DB 15001 à 15004.


Locotracteurs Corpet Louvet

La firme bien connue pour ses locomotives à vapeur a également produit des autorails et locotracteurs.

Elle livre en 1937 à l'Etat deux engins de 16,5 tonnes à à moteur Frichs de 125ch, qui seront immatriculés ZZ 6801 à 6802.


Synthèse des locotracteurs Etat

 

date
n° Etat
n°Etat 1934
Constr.
motorisation
n° constructeur
tare
n°SNCF
1923
??
??
Vermot
Rochet Schneider
4 tonnes
1923
ZZ41
ZZ0001
BDR
Schneider de 40cv /essence
103
21,1 tonnes
1924
ZZ101 à 106
ZZ 0101 à 0106
BDR
De Dion de 100cv/essence
112;111;113 à 116
28,7 tonnes
1926-28
ZZ107 à 114
ZZ0111 à 0118
BDR
De Dion de 100cv/essence
143 à 146 et 153 à 156
28,7 tonnes
1927
ZZ51 puis 121
ZZ 05001
BDR
De Dion de 50cv/essence
138
1928
ZZ201
ZZ1501
Deutz
Deutz 110cv/diesel
DE10001
1930
ZZ202 à 206
ZZ1511 à 1515
Deutz
Deutz 110cv/diesel
9748/9752
DE10002/6
1931
ZZ 207 à 216
BDR
Mercedes Benz de 100cv
302 à 311
28,7 tonnes
1932
ZZ 217 à 221
BDR
Renault de 100cv
312 à 316
28,7 tonnes
1931
ZZ XX
BDR
CLM de 45cv
330
1935
ZZ 0211
BDR
Renault 160 cv
344
30 tonnes
1935-36
ZZ 0212
BDR
Renault 175 ch
345
30 tonnes
1935-36
ZZ 0213 à 0220
BDR
Renault 175 ch
363 à 368; 369 à 370
29,1 tonnes
1936
LZZ 4152
BDR
De Dion à gazogène Malbay de 60vc
172 (1929)
Y BD 10052
1933
ZZ 0401 à 0402
BDR
Supdi de 100cv
342-343
30 tonnes
1932
(ex PO n 2D)
ZZ 0403
BDR
Supdi de 100cv
317
1934
ZZ5201 & 5202.
Jeumont
Renault 160cv
LZZ 22001 & 2
1934
ZZ 3301 à 3303
Berliet
Berliet 55cv
BE 05051 à 053
1934
ZZ2201 à 2204
Renault
Renault 130cv
R 13001 à 13004
1935
ZZ2205 à 2206
Renault
Renault 130cv
R 13005 à 13006
1937
ZZ 4701
Delaunay
90cv
DB 09001
1937
ZZ 4702 à 4705
Delaunay
90cv puis remplacement par 150cv
DB 15001 à 15004
1937
ZZ 6801 à 6802
Corpet
Frichs 125ch
16,5 tonnes

 

 

 


Je cherche des documents pour completer cette page


pour en savoir plus:  

voir RGCF, deuxième semestre 1913, article sur les essais Hautier/Schneider

voir RGCF 1926 pour les essais des BDR sur PSL

remerciements à JPVL pour les informations figurant sur cette page

notes:

(1) le locotracteur Schneider/LTN verra une suite dans une commande du chemin de fer de l'Etat Algérien.

(2) le BDR à gaz pauvre aurait porté le n° 0301 à l'Etat...

(3) Renault: un septième engin initialement prévu été revendu à l'Est. Reçu après 1938, il aurait porté le numéro T2010