La ligne de Vitré à Fougères
Parmi les compagnies privées qui seront incorporées à la Compagnie de l'Ouest figure la Compagnie de Vitré à Fougères. Cette ligne sera ultérieurement prolongée pour desservir la Baie du Mont St Michel.
Historique:
L'ouverture de la ligne Le Mans Rennes par la Compagnie de l'Ouest a laissé de coté la ville de Fougères. Ce chef lieu d'arrondissement est le seul à ne pas être desservi par le rail, à une époque où Fougères est un carrefour industriel, commercial et agricole. Dans le même temps, la baie du Mont St Michel offre un produit recherché : la "tangue", mélange de sable calcaire, apprécié pour l'amendement des sols. Une concession a déjà été octroyée le 14 mars 1855 à la société des Tanguières, pour la création d'une ligne à traction hippomobile reliant Rennes au Mont St Michel via Moindrey, qui n'a pas été réalisée, faute de financement.
En août 1861, il naît l'idée d'un chemin de fer reliant la ligne de l'Ouest à Fougères et le Mont St Michel, impulsée par la ville de Fougères qui propose le versement par la ville d'une subvention de 100.000 francs. Ce projet intéresse un député d'Ille et Vilaine, Mr De Dalmas, qui propose l'établissement d'un chemin de fer. Mais il demande une subvention d'Etat de 1.600.000 francs. Les ponts et chaussées estimant le coût de son projet à 4.500.000, De Dalmas réétudie son projet et propose alors un nouveau tracé plus économique épousant d'avantage les courbes du terrain.
Ce nouveau tracé d'une ligne de Vitré à Fougères requalifiée de chemin vicinal, sera alors subventionné par le conseil régional à hauteur de 450.000 francs, et concédé par décret impérial du 30 août 1865, avec possibilité d'extension jusqu'à la Baie du Mont St Michel.
La Compagnie du Chemin de fer de Fougères à Vitré aura son siège à Paris, 16, rue de la Tour des Dames.
Les deux premiers tronçons approuvés par décision ministérielle seront réalisés dans un temps record et l'ouverture de la ligne de Vitré à Fougères sera effective le 01 octobre 1867.
Dès 1866, la compagnie était sollicitée pour les extensions du réseau. De Dalmas effectue les études pour la partie située au nord de Fougères, et établira deux tracés possibles, l'un par Antrain, l'autre par Saint James. Il étudie également en parallèle un tracé vers Châteaubriant, passant par Argentré, La Guerche, Ahetiers. Le conseil général d'Ille et Vilaine donnera finalement sa préférence pour une liaison via Pontorson, point de passage de la future ligne de Lison à Lamballe.
Le décret du 26 juillet 1868 autorise l'extension de la ligne vers le nord, et la subvention d'Etat de 3.500.000 francs, les études de terrains sont commencées.
Les travaux seront retardés par la guerre de 1870 et par des difficultés rencontrées pour l'établissement du pont du Gué Lardy. Néanmoins, l'ouverture de la ligne sera effectuée les 26 janvier 1872 de Fougères à St Brice puis le 10 octobre 1872 de St Brice à Moidrey, situé un peu au nord de Pontorson.
La ligne sera temporairement prolongée jusqu'au lieu dit "La caserne" le 30 octobre 1876.
L'ouverture de la ligne de l'Ouest de Lison à Lamballe via Pontorson est effectuée en 1878, passant au dessus de la ligne du Vitré Fougères. Mais les voies des deux compagnies ne sont pas reliées et la politique tarifaire de l'Ouest est agressive pour le Vitré Fougères, qui est alors mis dans une situation financière difficile.
L'extension du réseau vers le sud qui aurait pu permettre un écoulement du trafic vers Châteaubriant n'est pas autorisée. Les demandes d'extension émises par la compagnie seront refusées, et finalement le Vitré Fougères sera contraint à la vente de sa ligne en 1881 par l'Etat, pour un prix de rachat fixé à 4.000.000 francs. L'Etat en assure l'exploitation provisoire, jusqu'au 4 janvier 1883 où le service est repris par la compagnie des chemins de fer de l'Ouest.
Le 22 octobre 1883, la liaison des deux lignes est mise en service et permet le report du terminus en gare de Pontorson Ouest. L'Ouest dépose le tronçon Pontorson V.F. à Moindrey et renoncera à l'exploitation de la ligne vers le Mont St Michel, qui sera alors concédée aux Tramways Normands qui utilisera le dépôt de la gare primitive du Vitré Fougères.
Carte de la ligne du Vitré Fougères et prolongement vers Moidrey.
Ligne
Vitré, Gérard, Balaze (arret), Chatillon en Vendelais, Dompierre, La Brehitière (arret) , La Selle-en-Luitré, Fougères, St Germain en Coglès, La Touche (arret) , St Étienne en Cogles, St Brice en Coglès, Tremblay, Antrain, Pontorson.
Ouvrages d'art
L'ouvrage d'art le plus important est celui situé sur la Vilaine, à la sortie de Vitré. Il mesure 115m de long, et comprend 9 arches; il a une hauteur moyenne de 18,5m, et mesure 4,7 m de largeur au niveau du parapet, et 7m à sa base.
Train sur le viaduc à la sortie de Vitré
En plus de murs de soutenement qui ont été nécessaires en gare de Vitre, le reste des ouvrages d'art importants concerne un tunnel et une tranchée. Le tunnel est situé sous la ville de Fougères et est long de 282,6m. Il mesure 5,4m de hauteur pour une largeur de 4m a sa base. Il a été creusé dans du schiste granitique dur qui permis de laisser la roche à nu. La tranchée, située vers Antrain au lieu dit "de la Chatiere", a été recouverte d'une voute en plein cintre sur 83,6m de longueur pour retenir les masses schisteuses qui avaient une tendance au glissement.
Architecture
Difficile de parler de l'architecture du Vitré Fougères sans parler du batiment voyageur de Vitré, dont l'architecture était due à Victor Lenoir, à qui l'on doit également la gare Montparnasse. Ce batiment voyageur avait été traité dans le style "chateau" afin de s'integrer au mieux dans la proximité des batiments situés à proximité de la gare. Toutefois, cette gare commune était exploitée par la compagnie de l'Ouest et sort donc un peu du cadre de cette page.
Le batiment voyageur le plus imposant de la compagnie était en fait situé à Fougères. Il était constitué d'un corps de batiment avec 5 fenètres, surmonté d'un étage, et flanqué de deux ailes.
Les batiments plus classiques comportaient une halle à marchandises accolée au batiment voyageur.
Ateliers
Nous avons un bon descriptif de l'équipement de l'atelier qui permettait au Vitré Fougères d'effectuer ses réparations. Lors de l'ouverture en 1872, il comprenait une chaudière semi fixe de deux chevaux, comme moteur d'atelier, une machine fixe à percer, deux tours, dont l'un à fileter, une forge à un feu avec son outillage, deux etaux avec l'outillage de deux ajusteurs. A l'ouverture de la section Fougères à Moidrey, l'atelier reçoit du matériel complémentaire: un tour à roues de 800mm de hauteur de pointes, un étau limeur à deux tables, une deuxième forge et son outillage, un ventilateur pour 6 feux, une installation complete pour l'embattage et le désembattage des roues (bangages) , une outillage de petite chaudronnerie, un outillage de menuiserie, trois etaux avec l'outillage de plusieurs ajusteurs.
Remise à machine et ateliers de Fougères
Exploitation
Matériel
Matériel moteur du Vitré Fougères
C'est un arrêté de 1842 qui interdit au Vitré à Fougères l'utilisation de machines d'au moins trois roues couplées, en raison des courbes serrées de la ligne Vitré- Fougères. La compagnie s'est donc tournée vers des 020T d'un modèle spécial, étudié par l'ingénieur PO Vincent Forquenot. La machine présentait la particularité d'avoir un faux essieux.
Ces machines furent construites en 1868 par la firme nantaise Voruz, qui était plutôt spécialisée dans les réparations ou la fourniture de chaudières.
Chaque machine numérotée de 1 à 3 portait un nom: "De Dalmas", le président de la compagnie, "Fougères", "Vitré"
Elles seront immatriculées 318 à 320 lors du rachat par l'Ouest, puis 20-012 à 014 à l'Etat
L'extension du réseau vers la baie du Mont St Michel exigeait des machines plus puissantes, aussi le réseau s'oriente vers des machines de type 030T à roues de 1.3m qui seront construites par la société Fives Lille en 1872. Numérotées 4 à 6, les trois nouvelles machines nommées "St Brice", "Antrain", "Mont St Michel".
Elles seront immatriculées 1405 à 1407 lors du rachat par l'Ouest en 1883.
Je cherche des vues des machines 1405 à 1407
De fevrier à mai 1873, la compagnie reçoit pour essais une machine articulée imaginée par Lucien Rarchaërt et construite par la société Maze et Voizine de Saint Denis, prévue pour la circulation sur courbes de faibles rayons.
Matériel Ouest
Machine du Vitré Fougères en version État 20-012
le matériel remorqué est décrit dans les pages "voitures voyageurs" et "wagons"
Remerciements particuliers à JP.Vergez pour les informations ayant permis la rédaction de cette page.Bibliographie:
- Le petit train du Mont Saint Michel 1901 - 1944, par M.Harouy, ed Cheminements. ( pour la partie située à Pontorson)
- Chaix de sept 1918
- Mémoire des Ingénieurs Civils, A.Dornès, le Chemin de fer de Vitré à Fougères.
Note: rien ne subsiste aujourd'hui de la gare de Fougères, le quartier ayant été completement transformé par la création d'une zone commerciale.