La Locomotive "La France" de Mr Rarchaërt

Mise à jour du 23 janvier 2009 µ

 

Le nom de Rarchaërt est souvent inconnu du grand public et des amateurs. Pourtant on lui doit une des premières machines articulées, la "France", qui a circulé sur les voies françaises et en particulier sur les lignes de la compagnie de Vitré à Fougères.

Voici l'histoire de son invention.


Lucien Rarchaërt est né en 1833 à Mortagne du Nord (Nord). Fils d'un batelier et petit dernier d'une famille de 11 enfants, il est employé comme caissier auprès de la société Maze et Voisine, située à Saint Denis, qui est un constructeur de wagons.

Entre 1855 et 1873, il déposera plusieurs dossiers dans le domaine des locomotives articulées. En 1865, il dépose un brevet d'invention d'une machine à grande adhérence pouvant s'inscrire dans des courbes serrées.

Le principe de son invention est une locomotive reposant sur deux bogies, dont les roues sont reliées entre elle par des bielles. Le mouvement est donné par un faux essieux vers un des essieux des bogies. Ce principe permet en théorie l'inscription en courbe de 50 metres.

Son invention attire l'attention du ministère des travaux public qui lui attribue une somme de 5000 francs de l'époque car sa machine est "adaptée à la construction et l'entretien des chemins de fer économiques". L'Etat alloue par ailleurs une somme de 15000 francs pour la construction d'un prototype.

La locomotive est construite en 1872 dans les ateliers de MMs Maze et Voisine, d'où elle sort le 15 octobre. Selon les habitudes de l'époque, elle est nommée "la France"

 

 

Dessin de la locomotive "La France" ( Coll J.P.Rarchaërt)

 

Elle est alors conduite sur les voies de la compagnie du Nord pour y subir des essais. On profite de ce premier trajet pour lui faire tirer un convoi de 16 wagons chargés à 10 tonnes.

Le 15 novembre 1872, elle effectue un parcours reglementaire: partie des ateliers de Saint Denis à 11h30, elle est conduite à Paris à la vitesse de 20 km/h. Le voyage retour est effectué à 50km/h.

Puis la machine est envoyée sur la ligne du Vitré à Fougères pour essais d'endurance, où elle sera utilisée de fevrier jusqu'au mois de mai 1873. Elle sert d'abord aux trains de travaux, et effectue un total de 903km. Elle se montre capable de tracter un train de 208 tonnes à la vitesse moyenne de 37km/h. Le Vitré Fougères l'affecte ensuite aux trains voyageurs et marchandises du 10 avril au 10 mai, qui permettra de tracter des trains de 90 à 115 tonnes sur un parcours total de 3446km.

Cet essai sur le Vitré Fougères aura donc permis de tester la locomotive en utilisation normale sur un parcours total de 4349km.

A partir du 8 juillet 1873, la machine est louée à la compagnie d'Orleans à Chalons. Elle est d'abord testée à la sortie de la gare de Troyes Preize sur un train de 180 tonnes, puis effectue le service régulier entre Troyes et Sens. Le prototype subira une maintenance entre le 14 aout et le 19 septembre afin de remplacer les bandages d'origine.

Un procès s'engage alors entre les constructeurs et l'inventeur, en raison de l'éviction de l'inventeur dans le contrat de location passé entre Maze et Voisine et la compagnie de Chalons. Le 3 novembre 1873, la France retourne alors chez le constructeur, après avoir parcouru 3899km.

En 1877, la locomotive fait l'objet d'un mémoire de Mr Massieu, Ingénieur en chef du contrôle de l'Exploitation technique des chemins de fer de l'Ouest, qui sera publié dans les Annales des Mines. L'étude de Mr Massieu est intéressante car elle analyse le comportement de la machine de Rarchaërt. Il conclu que malgré une tendance au roulis, la machine répondait tout à fait à la problématique des machines à adhérence totale devant circuler sur des courbes serrées.

Rarchaërt décède en 1877. Il ne connaitra pas la conclusion du procès qui lui donne raison, et qui permettra à sa famille d'établir un chantier de construction navale en 1880 à Villeneuve la Garenne.

Ainsi s'achève l'histoire de la locomotive "La France".

Il faudra attendre 1884 pour qu'un suisse du nom d'Anatole Mallet se penche à nouveau sur le problème des machines articulées ..

 


Remerciements à J.P.Rarchaërt pour l'envoi de ses documents.

Annales des Mines 1863, sixième série, mémoires tome IV

Tome 14-5e série. Annales des Ponts et chaussées.1877-2

Archives de l'académie des sciences.

Portefeuille des machines 17eme année decembre 1872.

 

Notes:

Le choix du Vitré Fougères s'explique t'il par les faibles rayons de 50 metres ?

Cette machine avait les caractéristiques suivantes:

    • roues de 1,102m,
    • empattement extrème 4m,
    • entraxe des bogies 1,2m,
    • capacité des caisses à eau: 3,250m3,
    • caisses à charbon de 1,450m3.
Brevet Anatole Mallet france n° 162836 du 18 juin 1884