La gare Saint Lazare

Mise à jour 27 avril 2022 µ

 

Cette page est consacrée à la gare St Lazare et aux gares primitives qui l'ont précédées

 


1837-1842: l'embarcadère de l'Europe

Lorsque le chemin de fer de Paris à Saint Germain obtient la concession de la ligne en 1835, le terminus de la ligne est prévu à la gare de la Madeleine, située l'extrémité de la rue Tronchet. Mais en attendant l'ouverture de cette gare, qui ne sera jamais réalisée, la compagnie de Saint Germain reporte son terminus provisoire à proximité de la place de l'Europe.

Lors de l'inauguration, le 24 aout 1837, il semble que le tunnel prévu sous la place de l'Europe n'était pas terminé, et s'est donc d'un embarcadère provisoire en bois que partent les premiers voyageurs vers le Pecq, en attendant l'ouverture du chemin de fer atmosphérique sur le tronçon Le Pecq - Saint Germain.

Dès l'ouverture du tunnel de la place de l'Europe, le point de départ est reporté entre la rue de Stokholm et la place de l'Europe. L'accès à la gare s'effectue par la rue de Londres. Le batiment principal est situé sur le pont situé à l'extrémité du tunnel passant au dessous de la place de l'Europe. Des rampes permettent de descendre au niveau des voies situées en contrebas. Un autre batiment, situé sur un pont sans doute construit dans la perspective d'atteindre la rue Tronchet, donne sur la rue de Stokholm.

L'embarcadère de l'Europe en 1837 (source Gallica BNF)

Embarcadère primitif de la ligne Paris Saint Germain, et ses rampes permettant l'accès aux quais.

 


1843-1888: la gare de la place du Havre

L'ouverture de la ligne vers Versailles RD puis celle de Rouen en 1843 nécessite d'agrandir les installations. Une nouvelle station est créée et débouche sur la place du Havre, à l'intersection de la rue Saint Lazare et de la rue d'Amsterdam. Cette gare, que nous appellerons "gare du Havre" comprend un bâtiment voyageurs en forme de U, dont les ailes abritent notamment les services d'administration. L'accès des voyageurs à la gare s'effectue par des escaliers situés au fond de la cour de la gare.

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Implantation vers 1842 (source Gallica BNF).

Photo de la place du Havre vers 1860. L'ancienne gare est à droite. (photo Louis Emile Durandelle / DR)

La fusion des compagnies de Rouen, de Saint Germain et de Versailles, avec l'ancienne Compagnie de l'Ouest, amène à etendre les voies derrière les batiments existants sur la rue Saint lazare. Dans le mème temps, un deuxième tunnel est creusé sous la place de l'Europe. Il n'est pas parallèle au premier et dessert les nouvelles voies.

 

Implantation de la gare vers 1855. Le batiment voyageur, en forme de U, donne sur la place du Havre.

 

Ce plan permet d'avoir une bonne vision d'ensemble des installations de la seconde gare: les voies sont organisées par groupes, chacune comportant une voie d'arrivée, une voie de départ, et une voie centrale, les trois voies étant reliées par des plaques tournantes qui suffisaient au retournement des machines de l'époque. On note à partir depuis la rue d'Amsterdam la disposition des groupes de Normandie pour les destinations de Rouen, le Havre et Dieppe, groupe de Saint Germain, groupe d'Argenteuil, groupe d'Auteuil, groupes de l'Ouest et de Versailles (Versailles RD). La zone en bleu correspond à l'emplacement de l'embarcadère primitif de l'Europe.

On voit aussi sur le plan la disposition en U du batiment voyageurs, donnant sur la place du Havre et l'extension réalisée derrière les habitations de la rue Saint Lazare. L'extension a d'ailleurs nécessité de créer un passage latéral des voitures débouchant sur l'impasse Bony et conduisant au vestibule.

 

Vue de l'escalier de la gare du Havre vers 1887 (photo Louis Emile Durandelle /DR)

Vue sur le passage vers l'impasse Bony et le vestibule d'accès en 1887 (photo Louis Emile Durandelle /DR)

Vestibule d'accueil et "hémicycle" de la gare du Havre (photo Louis Emile Durandelle/DR)

A partir de 1862, l'espace entier situé entre les rues de Rome et d'Amsterdam est occupé pour agrandir la gare et passer à 12 voies à quai, et réaliser un troisième tunnel sous les Batignolles.

Vers 1867, les tunnels situés sous la place de l'Europe sont détruits, et un ouvrage d'art est construit au dessus des voies. Cet ouvrage dessert 6 routes et prend le nom de "Pont de l'Europe"

Implantation de Saint Lazare vers 1867 (source Gallica BNF)

 

Les différentes verrières correspondent aux groupes de l'Ouest, de Versailles, d'Auteuil, d'Argenteuil, de Saint Germain et de Rouen (de droite à gauche) (DR)

 

Pont de l'Europe (Source Gallica BNF)

Vue des docks de l'Ouest à la mème époque (DR)

Vue du cour de Rome en 1885 (photo Louis Emile Durandelle / DR)

Autre vue du cour de Rome en 1885 (photo Louis Emile Durandelle / DR)

 

 

Mais ses agrandissements successifs, la gare reste malcommode: l'entrée de la gare est trop petit, et les flux de vehicules entrants et sortants crééent des encombrements. Les voyageurs qui ne connaissent pas la gare se perdent facilement dans le dédale de couloirs et d'escaliers. Enfin, le personnel est à l'étroit dans des batiments peu prévus pour une telle fréquentation, au point que certains services ont du être déplacés dans des batiments proches de Saint lazare.


1889 - actuel: la gare Saint lazare

C'est à partir de 1885 que naissent les premières esquisses de la future gare. le projet ne porte pas seulement sur le batiment voyageur mais aussi l'ensemble des fonctions d'une gare moderne: faciliter l'accès aux voyageurs, faciliter le service des bagages (à l'époque les bagages des vyageurs grandes lignes étaient enregistrées), faciliter le service des messageries, regouper l'ensemble des services sur le site, faciliter l'exploitation.

Tout d'abord, le batiment voyageur est complement repensé par l'architecte Juste Lisch. Il comprend désormais une galerie encadrée de deux batiments situé devant les cours de Rome et d'Amsterdam (future cour du Havre).

Il semble que le projet initial ait été prévu sans construction devant la gare, ce qui donnait un ensemble très aéré. Lisch présente dès 1885 un premier projet comprenant deux batiments situé l'un devant la cour de banlieue, l'autre devant la cour des grandes lignes, à l'emplacement de la gare de la place du havre, ces deux batiment étant reliés par un grande galerie éclairée par trois grandes baies principales.

Dessin d'un projet vers 1885. Notez la partie centrale comprenant 3 verrières (coll part.).

Il semble que le projet ait changé en cours d'exécution, avec la demande d'ajouter l'hotel Terminus devant la façade de la gare. Mais l'on retrouve dans le dessin final le meme aspect pour les deux batiments extrèmes. Seule la galerie a été réalisée différemment (ndla: il est probable que l'extérieur ait été traité comme l'ancien vestibule pour conserver certaines anciennes parties du batiment).

Dessin définitif du batiment voyageurs, avec petites arcades sur la galerie (source Gallica BNF)

 

 

Coté gauche de la gare Saint lazare (cour de Rome)

Coté droit de la gare Saint lazare (cour du Havre)

 


Pour alléger la gare du service des messageries, un nouveau bâtiment est créé avec un accès sur la rue de St Pétersbourg. L'accès des wagons s'effectue à l'étage inférieur, et les wagons sont élevés avec des équipements hydrauliques. Le batiment comprend des quais équipés de nombreuses grues.

Extrait du plan du batiment de messageries de la gare St Lazare (source Gallica BNF)

Coupe du batiment de messageries de la gare St Lazare (source Gallica BNF)

Pour faciliter les manutentions plusieurs dispositifs hydrauliques avaient été utilisés à l'intérieur de ce batiment des messageries; Tout d'abord, deux gros "monte-wagons" avaient été mis en place pour permettre le passage des wagons du niveau inférieur à l'étage situé 9 metres plus haut. Ces dispositifs étaient placés contre la façade donnant sur les voies, chaque monte charge étant desservi par une voie spécifique. Une fois montés à l'étage, les wagons pouvaient ëtre déplacés à l'aide de voies et de plaques tournantes, et déchargés à l'aide de grues hydrauliques de différentes puissances. D'autres monte-charges plus classiques completaient ces installations. La présence des plaques tournantes situées le long du mur donnant sur les voies principales a necessité d'ajourer la façade et de rajouter des balcons.

Monte wagon hydraulique du service des messageries (source Gallica BNF)

 

A noter que le batiment sera prolongé vers l'arrière vers 1913-1914


Batiment du service matériel à l'angle de la rue de Rome et de la rue de Vienne

Facade du batiment du service traction coté gare (source Gallica BNF))

 

Vue du batiment à l'angle des rues de Vienne et de Rome

 


L'éclairage de la gare était assuré à l'origine par un batiment situé à l'extrémité droite des voies contre le tunnel des Batignolles, coté messageries. Le batiment, de 18,5m par 10,5m, comprend une cheminée haute de 45m, cheminée établie contre le mur de soutenement. Le batiment intègre 3 generateurs de type Belleville qui sont capables de produire 2000kg de vapeur à l'heure. Deux petits chevaux pompent l'eau et la font passer dans un cylindre de réchauffage. Chaque chaudière alimente un moteur à vapeur de 140 cv de marque Lecouteux et Garnier, à cylindres horizontaux, qui entraine chacun deux dynamos de marque Gramme de 450 ampères.

 

La salle des machines électriques de Paris Saint Lazare (source Gallica BNF)

 


Parmi les aménagements réalisés en vue de l'exposition universelle figure la construction de l'Hotel Terminus, dont l'idée était de permettre aux voyageurs d'avoir un accès direct avec la gare; ce type d'établissement existait à l'époque en Angleterre et en Allemagne, mais rien n'existait de similaire en France. Toutefois, pour éviter d'integrer l'hotel à un étage de la gare soumis aux trépidations et aux bruits, il a été décidé de construire ce batiment devant la gare sur le terrain de 3235m2 libéré par les expropriations et de relier ce batiment à la gare par l'intermédiaire d'une passerelle. L'hotel Terminus occupe donc le terrain situé entre le cour de Rome et le cour d'Amsterdam. La façade de l'hotel d'une longueur de 92m, est d'un style architectural similaire à la gare, avec un corps central en légère saillie, et des façades latérales de 37 metres qui reposent sur des arcades.

Extrait d'un plan de l'hotel terminus (source Gallica BNF)

 

L'aménagement de l'hotel comporte: au sous sol les services de cuisines, mais aussi machineries destinées au service des ascenseurs et d'éclairage électrique (ndla: à l'époque assuré par l'hotel) ; le rez de chaussée les installations du service général de l'hotel, des boutiques et cafés restaurants donnant en façade et sur les cours de la gare; le premier étage integre les chambres équipées d'un petit salon, et les autres étages des chambres simples, les deux étages représentant l'équivalent de 350 pièces.

L'arrivée à l'hotel s'effectue par les cours commun à la gare, ce qui a permis d'utiliser la totalité de l'espace situé à l'intérieur de l'hotel pour le hall d'accueil. Les voyageurs arrivant en train accèdent depuis la passerelle à un bureau muni d'un chauffoir à feu nu, et accedent ensuite à l'hotel par le grand escalier. L'accès à la rue Saint Lazare s'effectue par trois grandes arcades sur un vestibule pavé et décoré de colonnes en granit d'Aberdeen, à chapiteaux de bronze. Les bureaux sont installés sur les cotés.

Les aménagements du nouvel hotel terminus intègrent des ascenseurs et l'éclairage electrique, qui nécessitent à l'époque de prévoir des machines motrices à l'intérieur de l'hotel. Deux machines à vapeur à deux cylindres compound de la Compagnie de Fives Lille de 90 cv sont disposées au sous sol. Elles commandent quatre générateurs système Belleville par l'intermédiaire d'un arbre de transmission entrainé par courroies. L'eau nécessaire au fonctionnement des chaudières peut être ou pompée dans un puits d'une profondeur de 100-120m, pompée depuis une citerne, récupérée par condensation, ou amenée depuis la Seine.

Ces équipements permettent le fonctionnement de trois ascenseurs hydrauliques, l'un réservé aux voyageurs, l'un aux bagages et le dernier au personnel de l'hotel. Le premier dessert les étages depuis le rez dechaussée, les deux autres l'ensemble des étages depuis le sous sol, avec une course de 27m. Un quatrième monte-charge hydraulique est par ailleurs établi pour desservir le sous sol et le rez de chaussée.

L'hotel a été commencé vers 1888 et a été mis en service en 1889.


Vers 1910, l'Etat, qui vient de racheter la compagnie de l'Ouest, procède à l'amélioration de la fluidité des trains de Paris Saint Lazare. Ce projet, initié par l'Ouest dès 1904, concerne le rajout de deux voies entre Saint Lazare et Bécon - les -Bruyères, point de passage de l'ensemble des trains à destination de la banlieue et de la Normandie. L'ajout de cette nouvelle voie entraine des travaux importants à partir de Paris Saint Lazare: le percement d'un nouveau tunnel sous Batignolles, coté rue de Rome; l'élargissement de la tranchée des Batignolles; l'allongement des ponts Legendre et Cardinet, la déplacement de la station des Batignolles (ligne d'Auteuil), la construction d'un second viaduc sur la Seine, à Asnières, l'élargissement de la tranchée des Couronnes, sur la ligne de Versailles.

 

Extrait du plan de l'elargissement de la tranchée des Batignolles (source Gallica BNF)

Les travaux sont réalisés progressivement. L'élargissement de la tranchée coté rue de Rome est délicat car il nécessite de creer un encorbellement de façon à conserver à la rue et aux trottoirs une largeur suffisante. Ces encorbellements sont réalisés en partie en utilisant les anciens murs de soutènement comme points d'appuis pour les coffrages des nouveaux encorbellements en beton armé.

L'ancienne gare des Batignolles sera détruite et remplacée par un batiment en bois provisoire, le long du Boulevard Cardinet, en attendant le batiment définitif.

Une fois les travaux réalisés, l'Etat dispose alors de quatre groupes de voies distinctes pouvant être gérées indépendamment: 1 ligne d'Auteuil, 2 ligne de Versailles RD, 3 ligne de Saint germain et d'Auteuil, 4 Grandes lignes.


Le 5 octobre 1921, un grave accident intervient dans le tunnel des Batignolles sur la voie de St Germain. Cet accident va conduire l'Etat à supprimer les tunnels de Batignolles. Ce projet avait été envisagé dès 1913 mais retardé en raison du conflit. Il consiste à détruire les trois tunnels - celui réalisé en dernier , situé sous la rue de Rome, devant être conservé, et à établir trois ponts pour assurer la continuité du Boulevard des Batignolles, de la rue des Dames et de la rue de la Condamine. Toutefois une difficulté supplémentaire concernait le passage du Métropolitain sur le Boulevard des Batignolles, passant à angle droit des voies du chemin de fer.

La réalisation des travaux, qui est réalisée sans interruption du trafic, s'est faite en plusieurs phases: tout d'abord, des murs de soutènement ont été construits dans l'alignement de ceux réalisés en 1909-1910. On a ensuite procédé au déblaiement des terres situées au dessus des voutes des tunnels, après avoir renforcé certains tunnels par un cintrage interne. Ensuite, les voutes ont été dégagées. La mise en place des cintres a nécessité d'interrompre le trafic sous les voutes concernées.

La présence de la ligne du Métropolitain sur le Boulevard des Batignolles a demandé la construction d'un ouvrage particulier constitué de trois travées: Celle du centre pour le passage de la ligne de Métro, et deux travées latérales distinctes pour le passage des voies routières et des équipements techniques (égouts, eaux, câbles ptt, etc..). La construction du pont destiné au passage du métropolitain a lui aussi été réalisé sans interruption du trafic: le tunnel du métropolitain a d'abord reçu un cintrage, puis le tunnel a été dégagé, le cintre démonté, une charpente de protection en bois placée en remplacement du cintrage, puis le pont a été assemblé autour des voies existantes, y compris les voutes en briques.

Plan du pont du Boulevard des batignolles (source Gallica BNF)

Coupe du pont du Boulevard des Batignolles, avec le passage du Métropolitain (source Gallica BNF)

Lorsque les travaux seront terminés, deux nouvelles voies seront disponibles pour former le groupe auxiliaire, situé coté opposé à la rue de Rome.


Pour en savoir plus:

Une étude plus complete de l'histoire de cette gare Saint Lazare a été publiée en 2019-2020 dans la revue Rails d'Autrefois numeros 19, 20 et 21.


Bibliographie

Les grandes gares parisiennes du XIXeme siècle, de K.Bowie, edition Délégation Artistique de la Ville de Paris

Les trains de Banlieue, tome1, Par B.Carrière, editions La Vie du Rail

Site Gallica ; revues périodiques: "Annales industrielles"; "Le génie Civil"; "Revue générales des chemins de fer"

Site web RMN (Réunion des musées nationaux)

Site Culture.fr


Note:

Les deux oeuvres d'art décorent actuellement les deux cours de la gare Saint Lazare: "L'Heure de tous" - un empilement de pendules - décore la Cour du Havre - et l'autre, "Consigne à vie" - un empilement de valises - décore la Cour de Rome sont dues à Arman et ont été installées en 1985.