|
Les trains transatlantiques
Mise à jour 18 juin 2024 µ
Les ports du Havre et de Cherbourg voient leur fréquentation augmenter à partir de 1880. Le port du Havre est le port d'attache des navires de la Compagnie Générale Transatlantique. Cherbourg est le port d'escale des compagnies étrangères qui trouvent dans la rade un abri sûr aux navires de passage depuis l'Angleterre ou l'Allemagne.
Le trafic connait donc un accroissement fort pour les émigrants, puis auprès de la clientèle d'affaire et de tourisme.
Les trains de luxe de la CIWL
Les premiers trains spéciaux de la Compagnie de l'Ouest sont mis en service vers Cherbourg à partir de 1895 à la demande de la Compagnie Hamburg Amerika Linie qui souhaite faciliter l'escale de ses passagers de première classe.
A l'origine, l'Ouest ne dispose pas de matériel adapté au service des paquebots. Le service sera donc initialement assuré par le matériel de la CIWL. Or à l'époque la CIWL possède dans son parc du matériel inutilisé, provenant de l'ex Club Train. Cet ancètre de la Flèche d'Or relie Paris à Londres depuis 1889, mais la faible fréquentation, en partie due à l'impossiblité d'organiser des trains à horaires réguliers, conduit à supprimer le service dès 1893. Le matériel comporte notamment les superbes voitures salons 255 à 261 reconnaissables à leurs plateformes semi fermées.
Voitures-salons 255 à 261 de l'ex Club Train reconnaisables aux plateformes semi-fermées +
Dans la composition des trains de luxe, on trouve également des voitures ayant appartenu à Compagnie Générale Transatlantique. Cette compagnie maritime exploitait depuis 1883 dix voitures à bogies destinées au trafic des émigrants, dont 9 voitures de 80 places et une voiture de 40 places et bullet. En 1895, elle modifie 6 voitures d'émigrants en voitures salons et les baptise aux noms de provinces françaises comme les paquebots de sa flotte. En 1900, ce matériel de la Compagnie Générale Transatlantique est vendu à la CIWL qui les numérote 741 à 746. Très facilement reconnaissables à leur fenêtre centrale arrondie en partie haute, ces voitures salons sont incorporées après modification en voitures restaurants au train transatlantique Paris - Cherbourg, où elles cotoient les voitures de l'ex Club Train.
Train transat composé de deux voitures-salons ex Club Train et une ex Compagnie Générale Transatlantique. +
Le matériel teck Ouest
A partir de 1900, la compagnie de l'Ouest met en service des voitures à bogies en teck. Ces voitures sont très similaires dans leur construction aux voitures de la CIWL, dont les premières classes ont d'ailleurs récupérés des bogies similaires. Elles sont dès lors incorporées aux trains transatlantiques.
Train composé de voitures Ouest en gare maritime de Cherbourg. +
La composition des rames était souvent completée par un restaurant de la CIWL, dont la caisse en teck venait parfaire l'esthétique de la rame. Deux fourgons encadrent la rame.
Arrivée d'un train transatlantique à Cherbourg formé de voitures Ouest à bogies et d'un restaurant CIWL (Coll R.Arzul)
L'utilisation de voitures à bogies necessite le matériel moteur le plus récent dont dispose la compagnie de l'Ouest. A l'époque, la compagnie ne dispose pas encore des Pacific, aussi la traction est confiée aux 220-500 sorties en 1897, mais surtout aux 230 des série 2500 puis 2700 qui seront disponibles après 1900.
Train transat formé de la machine 230 2558 et voitures Ouest +
Ici une 220 série 500 en tête du train au départ de Cherbourg. +
Une 230 série 2700 au départ +
Les trains transatlantiques de l'État
Le rachat en 1908 de l'Ouest par l'État ne modifie pas sensiblement la composition des trains: en effet ce réseau ne dispose à l'époque que des voitures "Parent" construites vers 1889, déja anciennes en regard des voitures teck de 1900, et dont le gabarit large ne permet pas l'utilisation sur le réseau de l'ex-Ouest conçu pour du matériel plus étroit. .
A l'époque de l'Etat, le train transatlantique n° 8103 en route vers Cherbourg remorqué par la 230-160 (Coll R.Arzul).
Il faut attendre 1910 pour que l'Etat sorte une série de voiture d'ailleurs très inspirée des voitures teck Ouest, puis une deuxième série de voitures en 1922, légérement plus courtes. Le service du courrier étant très important à l'époque, la composition des rames est alors completée de nouveaux fourgons à bogies de grande capacité à 4 ou 8 portes.
L'arrivée de Raoul Dautry à la tête du réseau marquera toutefois l'arrivée d'une nouvelle génération de voitures transatlantiques typique à l'Etat, qui transformera 23 voitures en voiture salon, en remplaçant deux compartiments en salon et l'application d'une livrée spécifique vert foncé et vert clair en partie supérieure. Par ailleurs 17 voitures A7 sont repeintes aux couleurs "transat".
La série des voitures de 1928 sera remplacée en 1931 par les voitures transatlantiques dites "Pullman État". Dérivées des voitures OCEM, elles sont concues spécialement pour ce service et prévues pour une circulation en couplage d'une voiture - salon et d'un salon - cuisine.
La traction est elle aussi confiée aux nouvelles Pacific série 500 , puis aux 241 type Est jusqu'à l'accident de St Elier qui conduit le réseau à baisser temporairement la vitesse de ces machines.
Les trains sont alors composés d'un fourgon de tête, d'un ou plusieurs complages de Pullman Etat, d'un fourgon de tete. Des voitures de première classe ordinaires seront également affretées temporairement jusqu'en 1936. Pour les trains mixtes 1ere et seconde, il est ajouté des voitures OCEM à rivets apparents type B9 puis du matériel OCEM à face lisse, ainsi qu'au besoin un restaurant CIWL pour assurer la restauration pour les seconde classe.
Des voitures de troisième classe sont parfois associées au train transat, notamment vers le Havre, mais uniquement pour des trains de seconde et troisième classe.
En 1936, une baisse d'activité - initié par le crack boursier de 1929 - conduira le réseau à déclasser 5 couplages de ces voitures transat en seconde classe, mais le service sera assuré jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Matériel Etat en gare maritime de Cherbourg
A partir de 1936, lors des escales de faible affluence sur Cherbourg, l'État utilisera aussi des autorails Bugatti. Elle utilisera notamment les Bugatti dits "présidentiels", d'une capacité de 48 places, des couplages de deux Bugatti pour une capacité de 96 places, ainsi que les Bugatti triple d'une capacité de 142 places.
Autorail Bugatti triple passant à Vilennes-sur-Seine
Après guerre et la reconstruction des gares maritimes fortement endommagées pendant la guerre, le trafic transatlantique reprendra progressivement. Toutefois les voitures Pullman de l'Etat sont progressivement réaffectées à d'autres usages imposés par le manque de matériel, et les trains transatlantiques utiliseront de plus en plus le matériel du parc ordinaire, jusqu'à ce que la concurrence de l'aviation ne porte un coup fatal au transport maritime.
A lire:
"Les trains transat", par Maryse Angelier, aux éditions LVDR n° 1526 (nb: cf composition du train non daté en dernière page)
"Le train du Titanic", par L.Fournier, paru dans la revue Correspondance n°11 de 2004